Nous sommes tentés de formuler beaucoup de réserves à l'égard de l'expression utilisée avec tant de naïveté par la plupart des média - aussi bien occidentaux qu'arabes « progressistes » - pour désigner les mouvements de colère qui ont éclaté dans différents pays arabes depuis janvier 2011. Cependant, cette expression est devenue tellement familière que son utilisation s'impose justement pour souligner les contradictions de ses manifestations et quelques grands paradoxes qui les ont accompagnées.
En effet, les milieux scientifiques « surpris » par l'éclatement de la colère des peuples arabes, peinent encore à lui donner un nom : soulèvement ? insurrection ? révolte ? révolution ?!... Mais les évènements se succèdent quel que soit le nom qu'on leur donne, et ils dévoilent jour après jour ambiguïtés, contradictions et incertitudes.
Nous avons choisi dans le présent article de nous pencher sur deux paradoxes de ces mouvements qui concernent directement les femmes.
D'une part, les mouvements de colère et de contestation ont témoigné d'une très large participation spontanée des femmes. Des femmes de tous les milieux sociaux, de tous les milieux culturels et politiques, de tous les âges, de tous les niveaux d'éducation, de tous les milieux professionnels, se sont retrouvées dans les rues, sur les places publiques. Elles ont exprimé leur colère, leur indignation, fait des sit-in, participé à l'organisation des mobilisations massives, aux campagnes médiatiques, à la gestion logistique, à l'aménagement et au nettoyage des places publiques…
Côte à côte avec les hommes, jeunes et moins jeunes, de tous les milieux également, elles ont fait spontanément et naturellement acte de présence. Elles ont participé à la réalisation de l'histoire sociale… Mais elles ne portaient pas de slogans propres. Cela peut être compris comme de la dignité ou de la fierté de la part des femmes, qui, une fois de plus, se seraient dit que le salut de la société nationale passait avant « nos revendications » sectorielles, ou encore, elles auraient pensé que cela allait de soi, que les régimes démocratiques auxquels les masses aspiraient seraient forcément des régimes favorables à l'égalité des droits et à